
La prise en compte des préoccupations environnementales dans les marchés publics représente un levier majeur pour la transition écologique. En France, la commande publique pèse près de 200 milliards d’euros par an, soit environ 10% du PIB national. Cette puissance d’achat considérable peut orienter l’économie vers des modes de production et de consommation plus respectueux de l’environnement. Le cadre juridique a considérablement évolué ces dernières années, imposant progressivement aux acheteurs publics d’intégrer des critères environnementaux dans leurs procédures d’achat. Cette évolution reflète une prise de conscience collective face aux défis climatiques et écologiques, transformant la commande publique en un outil stratégique au service du développement durable.
L’évolution du cadre juridique des obligations environnementales
Le cadre normatif régissant l’intégration des préoccupations environnementales dans les marchés publics s’est considérablement renforcé au fil des années. Cette évolution témoigne d’une volonté politique croissante de faire de la commande publique un levier de la transition écologique.
Au niveau européen, les directives de 2014 sur les marchés publics ont constitué un tournant majeur. La directive 2014/24/UE relative aux marchés publics a expressément reconnu la possibilité d’intégrer des considérations environnementales à tous les stades de la procédure d’achat. Elle a notamment consacré le principe de l’analyse du cycle de vie des produits et services, permettant aux acheteurs d’évaluer l’impact environnemental global de leurs achats.
En droit français, la transposition de ces directives s’est matérialisée par l’ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 et le décret n° 2016-360 du 25 mars 2016, puis par le Code de la commande publique entré en vigueur le 1er avril 2019. Ce code a consolidé les dispositions relatives aux considérations environnementales dans les marchés publics, faisant du développement durable un principe fondamental de la commande publique.
La loi Climat et Résilience du 22 août 2021 a marqué une nouvelle étape décisive en renforçant substantiellement les obligations environnementales des acheteurs publics. Son article 35 impose désormais la prise en compte des considérations environnementales dans les spécifications techniques, les conditions d’exécution et les critères d’attribution de tous les marchés publics. Cette disposition a été codifiée à l’article L. 2112-2 du Code de la commande publique.
Les principales obligations légales actuelles
Le cadre juridique actuel comporte plusieurs obligations majeures pour les acheteurs publics :
- L’obligation de définir précisément les besoins en tenant compte d’objectifs de développement durable (art. L. 2111-1 du CCP)
- L’obligation d’intégrer des considérations environnementales dans les conditions d’exécution du marché (art. L. 2112-2 du CCP)
- L’obligation de prendre en compte des critères environnementaux dans le choix des offres (art. L. 2152-7 du CCP)
- L’obligation de réaliser un bilan carbone pour certains marchés importants depuis le 1er janvier 2023
La jurisprudence administrative a joué un rôle fondamental dans l’interprétation de ces dispositions. Dans un arrêt du 25 mai 2018, le Conseil d’État a validé le principe selon lequel un pouvoir adjudicateur peut se fonder exclusivement sur des critères environnementaux pour attribuer un marché, à condition que ces critères soient liés à l’objet du marché et n’aient pas d’effet discriminatoire.
Cette évolution normative s’inscrit dans un mouvement plus large de « verdissement » des politiques publiques, traduisant la volonté des autorités françaises et européennes de mobiliser tous les leviers disponibles pour faire face aux défis environnementaux contemporains. Les marchés publics sont ainsi devenus un instrument privilégié de la transition écologique.
Les mécanismes d’intégration des critères environnementaux dans les procédures de passation
L’intégration des préoccupations environnementales peut intervenir à chaque étape de la procédure de passation d’un marché public. Cette approche globale permet aux acheteurs publics de maximiser l’impact positif de leurs achats sur l’environnement.
Dès la définition du besoin, l’acheteur public doit prendre en compte les objectifs de développement durable. Cette étape préliminaire est fondamentale car elle conditionne toute la suite de la procédure. L’acheteur peut, par exemple, s’interroger sur la nécessité réelle de l’achat ou envisager des solutions alternatives moins impactantes pour l’environnement. La Cour administrative d’appel de Bordeaux, dans un arrêt du 15 février 2022, a rappelé l’importance de cette phase en soulignant que la définition fonctionnelle des besoins constitue un levier majeur pour favoriser l’innovation environnementale.
Au stade des spécifications techniques, les acheteurs peuvent imposer des caractéristiques précises relatives à la performance environnementale des produits ou services. Ces spécifications peuvent porter sur les méthodes de production, le recours à des matériaux recyclés, la consommation énergétique ou encore la durabilité des produits. L’article R. 2111-4 du Code de la commande publique autorise expressément le recours à des écolabels pour définir ces spécifications, facilitant ainsi la tâche des acheteurs.
Les critères d’attribution à dimension environnementale
L’intégration de critères environnementaux dans la phase d’attribution du marché représente un levier puissant pour inciter les opérateurs économiques à améliorer leurs performances écologiques. Depuis la loi Climat et Résilience, ces critères ne sont plus simplement une faculté mais deviennent une obligation pour les acheteurs publics.
Ces critères peuvent prendre diverses formes :
- L’empreinte carbone des produits ou services
- La performance en matière de protection de l’environnement
- Le coût du cycle de vie
- Les caractéristiques environnementales des matériaux utilisés
- Le caractère biodégradable ou recyclable des produits
La jurisprudence a précisé les conditions de validité de ces critères. Dans un arrêt du 10 février 2016, le Conseil d’État a rappelé que ces critères doivent présenter un lien suffisant avec l’objet du marché et ne pas conférer une liberté de choix illimitée à l’acheteur. La pondération de ces critères environnementaux fait l’objet d’un contrôle attentif du juge administratif pour s’assurer qu’elle n’est ni insuffisante ni excessive au regard de l’objet du marché.
Les conditions d’exécution du marché offrent une autre opportunité d’intégrer des considérations environnementales. L’article L. 2112-2 du Code de la commande publique permet d’imposer aux titulaires des obligations en matière de protection de l’environnement. Ces conditions peuvent concerner la gestion des déchets, la limitation des émissions polluantes, l’utilisation de véhicules propres pour les livraisons ou encore la formation du personnel aux bonnes pratiques environnementales.
La mise en œuvre effective de ces mécanismes requiert une expertise technique et juridique de la part des acheteurs publics. Le Plan National d’Action pour les Achats Publics Durables (PNAAPD) joue un rôle fondamental dans l’accompagnement des acheteurs, en proposant des outils méthodologiques et des formations adaptées à leurs besoins.
Les secteurs prioritaires et les pratiques exemplaires
Certains secteurs de la commande publique présentent un potentiel particulièrement élevé en matière d’impact environnemental. Les pouvoirs publics ont donc identifié des domaines d’intervention prioritaires où les exigences environnementales sont renforcées.
Le secteur de la construction et des travaux publics figure au premier rang de ces priorités. Représentant environ 30% de la commande publique en valeur, ce secteur génère des impacts environnementaux considérables en termes de consommation de ressources naturelles et d’émissions de gaz à effet de serre. La loi ELAN (Évolution du Logement, de l’Aménagement et du Numérique) du 23 novembre 2018 a introduit des exigences renforcées concernant la performance énergétique et environnementale des bâtiments publics. La RE2020 (Réglementation Environnementale 2020) impose désormais des normes ambitieuses en matière d’empreinte carbone des constructions neuves.
Dans ce secteur, les pratiques exemplaires incluent :
- L’utilisation de matériaux biosourcés (bois, chanvre, paille) pour réduire l’empreinte carbone des bâtiments
- L’intégration de clauses imposant le recyclage d’au moins 70% des déchets de chantier
- L’exigence de certifications environnementales type HQE (Haute Qualité Environnementale) ou BREEAM
Le Conseil départemental de la Gironde s’est distingué par sa politique exemplaire en matière de construction durable, en imposant systématiquement l’utilisation de matériaux biosourcés dans ses marchés de travaux pour les collèges, réduisant ainsi de 30% l’empreinte carbone de ses bâtiments.
Les achats de véhicules et la mobilité durable
Le secteur des transports constitue une autre priorité majeure. La loi d’orientation des mobilités (LOM) du 24 décembre 2019 a instauré des obligations précises concernant la part de véhicules à faibles émissions dans les flottes publiques. L’article L. 224-7 du Code de l’environnement impose ainsi que 50% des renouvellements de véhicules légers de l’État et des collectivités territoriales concernent des véhicules à faibles émissions depuis le 1er janvier 2022, ce taux devant atteindre 100% en 2025.
La métropole de Lyon a développé une approche innovante en intégrant dans ses marchés publics de transport des critères relatifs non seulement aux émissions directes des véhicules, mais aussi à leur cycle de vie complet, incluant la fabrication et le recyclage en fin de vie.
Dans le domaine des achats de fournitures et services courants, les obligations environnementales se sont multipliées. La loi anti-gaspillage pour une économie circulaire (AGEC) du 10 février 2020 impose aux acheteurs publics de privilégier les biens issus du réemploi ou intégrant des matières recyclées. Elle fixe des objectifs chiffrés par catégorie de produits, comme l’obligation d’intégrer 20% de matière plastique recyclée dans les achats de produits en plastique à usage unique.
Les achats alimentaires pour la restauration collective publique font l’objet d’exigences particulières. La loi EGalim du 30 octobre 2018, renforcée par la loi Climat et Résilience, impose que 50% des produits servis soient durables ou sous signes de qualité, dont 20% issus de l’agriculture biologique, depuis le 1er janvier 2022. La ville de Mouans-Sartoux, pionnière en la matière, a atteint 100% de produits biologiques dans sa restauration scolaire grâce à une politique d’achat public innovante incluant l’acquisition de terres agricoles municipales.
Ces exemples démontrent que l’intégration poussée de critères environnementaux dans les marchés publics peut générer des bénéfices significatifs, non seulement pour l’environnement mais aussi en termes d’innovation et de développement économique local. Les retours d’expérience des collectivités pionnières servent désormais de modèles pour l’ensemble des acheteurs publics.
Les défis et obstacles à la mise en œuvre effective
Malgré un cadre juridique favorable, l’intégration des considérations environnementales dans les marchés publics se heurte à plusieurs obstacles persistants qui freinent sa généralisation.
Le premier défi réside dans le manque de compétences techniques au sein des services achats. L’élaboration de critères environnementaux pertinents nécessite une expertise spécifique que de nombreux acheteurs publics ne possèdent pas encore. Selon une étude de l’ADEME publiée en 2020, 67% des acheteurs publics déclarent rencontrer des difficultés pour définir des spécifications techniques environnementales adaptées à leurs besoins. Cette lacune est particulièrement marquée dans les petites collectivités territoriales, qui disposent de ressources humaines limitées.
La formation des acheteurs constitue donc un enjeu majeur. Des initiatives comme le programme « Achats publics durables » de l’Institut National des Études Territoriales (INET) ou les formations proposées par le Réseau Grand Ouest (RGO) des achats publics durables contribuent à renforcer les compétences des agents publics dans ce domaine. Toutefois, ces efforts demeurent insuffisants face à l’ampleur des besoins.
Les contraintes budgétaires et économiques
La perception d’un surcoût financier lié aux achats durables représente un frein psychologique majeur. De nombreux acheteurs craignent que l’intégration de critères environnementaux n’entraîne une augmentation des prix incompatible avec leurs contraintes budgétaires. Cette perception est renforcée par la difficulté à évaluer les bénéfices économiques à long terme des achats durables, comme les économies d’énergie ou la réduction des coûts de maintenance.
L’approche en coût global ou coût du cycle de vie, bien que promue par la réglementation, reste complexe à mettre en œuvre. Elle nécessite une vision à long terme et des outils d’analyse financière sophistiqués que tous les acheteurs ne maîtrisent pas. La Direction des Achats de l’État (DAE) a développé des méthodologies pour faciliter ce type d’analyse, mais leur diffusion demeure limitée.
Le contexte économique tendu, marqué par l’inflation et les restrictions budgétaires, accentue ces difficultés. Les acheteurs publics peuvent être tentés de privilégier le critère prix au détriment des considérations environnementales, malgré les obligations légales. Un rapport de la Cour des comptes publié en 2021 souligne cette tendance et appelle à un changement de paradigme dans l’évaluation de la performance des achats publics.
Des obstacles juridiques subsistent également. La sécurité juridique des procédures intégrant des critères environnementaux ambitieux n’est pas toujours garantie. Les acheteurs craignent les recours contentieux de la part de soumissionnaires évincés, en particulier lorsque les critères environnementaux ont été déterminants dans le choix du titulaire. Cette crainte peut conduire à une certaine prudence dans la formulation des exigences environnementales.
La vérification effective du respect des engagements environnementaux constitue un autre défi majeur. Les acheteurs disposent rarement des moyens nécessaires pour contrôler rigoureusement l’exécution des clauses environnementales, ce qui peut réduire leur portée pratique. Des outils innovants comme les labels environnementaux ou les systèmes de management environnemental certifiés (ISO 14001) facilitent cette vérification, mais leur utilisation n’est pas systématique.
Face à ces obstacles, les pouvoirs publics ont développé des stratégies d’accompagnement, comme le réseau des facilitateurs de clauses environnementales ou la plateforme Rapidd (Réseau d’Accompagnement des Politiques d’Achats Publics Durables) qui propose des ressources pratiques aux acheteurs. Ces initiatives, bien que prometteuses, nécessitent d’être renforcées pour répondre à l’ampleur des besoins d’accompagnement exprimés par les acheteurs publics.
Perspectives d’avenir et innovations en matière d’achat public durable
L’évolution des obligations environnementales dans les marchés publics s’inscrit dans une dynamique d’innovation continue. Plusieurs tendances émergentes dessinent les contours de ce que pourrait devenir la commande publique durable dans les années à venir.
Le développement de l’économie circulaire constitue l’une des orientations majeures. La loi AGEC a posé les jalons d’une transformation profonde des pratiques d’achat en faveur du réemploi, de la réutilisation et du recyclage. Cette approche circulaire devrait s’intensifier avec l’entrée en vigueur progressive des différentes dispositions de la loi d’ici 2025. Les acheteurs publics seront incités à privilégier les produits reconditionnés, issus du réemploi ou intégrant des matières recyclées, créant ainsi de nouveaux débouchés pour ces filières.
L’Observatoire Économique de la Commande Publique (OECP) a récemment mis en lumière des pratiques novatrices comme les contrats de location longue durée pour le mobilier de bureau ou les équipements informatiques, permettant leur réemploi à l’issue de la période d’utilisation. Ces modèles économiques alternatifs à l’achat traditionnel devraient se développer dans de nombreux secteurs.
La neutralité carbone et les marchés publics
L’objectif de neutralité carbone à l’horizon 2050, fixé par la Stratégie Nationale Bas-Carbone (SNBC), implique une transformation radicale des pratiques d’achat public. La prise en compte systématique de l’empreinte carbone des produits et services devrait s’imposer comme un critère central dans les procédures d’attribution des marchés.
Plusieurs innovations méthodologiques facilitent cette évolution :
- Le développement d’outils standardisés de calcul de l’empreinte carbone adaptés aux différentes catégories d’achats
- L’élaboration de référentiels sectoriels permettant de comparer les performances des offres
- L’émergence de bases de données environnementales partagées facilitant l’évaluation des impacts
La Métropole du Grand Paris expérimente déjà l’intégration d’un « budget carbone » pour ses achats, fixant un plafond d’émissions à ne pas dépasser pour chaque catégorie de produits ou services. Cette approche novatrice pourrait se généraliser à mesure que les méthodes de comptabilité carbone se standardisent.
Le numérique représente un autre levier majeur de transformation. Les outils digitaux peuvent faciliter l’intégration des considérations environnementales à toutes les étapes de la procédure d’achat. Des plateformes comme PLACE (Plateforme des Achats de l’État) évoluent pour intégrer des fonctionnalités dédiées à l’évaluation environnementale des offres. Les technologies de blockchain commencent à être explorées pour garantir la traçabilité des engagements environnementaux tout au long de la chaîne d’approvisionnement.
L’intelligence artificielle offre des perspectives prometteuses, notamment pour analyser les offres selon des critères environnementaux complexes ou pour optimiser la programmation des achats en fonction de leur impact écologique. Des projets pilotes, comme celui mené par la Direction Générale des Entreprises (DGE) dans le cadre du programme « IA pour la commande publique », explorent ces nouvelles possibilités.
Sur le plan juridique, plusieurs évolutions sont envisageables. Le renforcement du contentieux climatique pourrait conduire à une responsabilité accrue des acheteurs publics qui négligeraient les considérations environnementales dans leurs procédures. La jurisprudence du Conseil d’État relative à la « carence fautive » de l’État en matière climatique (décision « Commune de Grande-Synthe » du 1er juillet 2021) pourrait trouver des applications dans le domaine de la commande publique.
L’émergence de nouvelles formes contractuelles adaptées aux enjeux environnementaux constitue une autre tendance notable. Les contrats à impact environnemental, inspirés des contrats à impact social, permettent de conditionner la rémunération du titulaire à l’atteinte d’objectifs environnementaux mesurables. Ce type de mécanisme, expérimenté par plusieurs collectivités territoriales, pourrait se développer pour les marchés à fort enjeu écologique.
La coopération territoriale en matière d’achat durable devrait s’intensifier, avec le développement des groupements de commandes écologiquement responsables et le partage de bonnes pratiques entre collectivités. Le réseau des acheteurs publics intégrant le développement durable (RAPIDD) joue un rôle croissant dans cette dynamique collaborative.
Ces perspectives prometteuses témoignent du potentiel transformateur de la commande publique en matière environnementale. Loin d’être une simple contrainte réglementaire, l’intégration des considérations écologiques dans les marchés publics apparaît comme un puissant moteur d’innovation sociale, économique et environnementale.
Vers une transformation systémique de la commande publique
L’intégration des obligations environnementales dans les marchés publics ne représente pas simplement une évolution technique ou juridique. Elle participe d’une transformation profonde de la conception même de l’achat public et de sa finalité.
Cette mutation systémique implique un changement de paradigme dans la façon d’appréhender la performance de la commande publique. Traditionnellement évaluée à l’aune de critères économiques et financiers (prix, délais, qualité), cette performance intègre désormais une dimension environnementale incontournable. La valeur créée par l’achat public ne se mesure plus uniquement en termes monétaires, mais englobe des bénéfices environnementaux et sociétaux plus larges.
Ce changement de perspective nécessite une révision des indicateurs de performance utilisés par les acheteurs publics. Des collectivités pionnières comme la ville de Paris ou la région Bretagne ont développé des tableaux de bord intégrant des métriques environnementales (tonnes de CO2 évitées, quantité de matières premières économisées, réduction des déchets) pour évaluer l’impact de leur politique d’achat. Ces approches novatrices préfigurent ce que pourrait devenir l’évaluation standardisée des achats publics dans les années à venir.
L’achat public comme levier de transition écologique
La commande publique s’affirme progressivement comme un instrument majeur de politique environnementale. Au-delà de la simple satisfaction des besoins des administrations, elle devient un outil stratégique pour orienter l’économie vers des modèles plus durables. Cette dimension transformatrice est explicitement reconnue par la Stratégie Nationale des Achats Publics adoptée en mars 2022, qui fait de la transition écologique l’un des trois piliers de la politique d’achat de l’État.
Cette évolution se traduit par une approche plus proactive et stratégique de l’achat public. Les acheteurs ne se contentent plus de répondre passivement aux besoins exprimés, mais questionnent ces besoins à l’aune des impératifs environnementaux. La sobriété, la mutualisation des ressources ou l’allongement de la durée d’usage des équipements deviennent des réflexes dans la programmation des achats.
La dimension territoriale de cette transformation mérite d’être soulignée. Les marchés publics peuvent constituer de puissants leviers de développement de filières vertes locales, contribuant à la résilience des territoires face aux crises environnementales. Des initiatives comme les Projets Alimentaires Territoriaux (PAT) illustrent cette articulation entre commande publique et développement écologique local, en créant des débouchés stables pour l’agriculture biologique ou l’agroécologie de proximité.
L’innovation joue un rôle central dans cette transformation. Les marchés publics peuvent stimuler l’émergence de solutions écologiques novatrices à travers des dispositifs comme le partenariat d’innovation ou les achats publics avant commercialisation. La Banque des Territoires a ainsi lancé un programme spécifique pour soutenir les collectivités qui souhaitent utiliser leur commande publique comme vecteur d’innovation environnementale.
La dimension collaborative de cette transformation ne doit pas être négligée. L’efficacité des politiques d’achat durable repose sur un dialogue renforcé entre acheteurs publics, opérateurs économiques, usagers et citoyens. Des démarches participatives, comme les conventions citoyennes sur les achats durables expérimentées par certaines collectivités, permettent d’enrichir la définition des besoins et des critères environnementaux.
La formation et l’accompagnement des acheteurs constituent la clé de voûte de cette transformation. Le développement d’une véritable culture de l’achat durable au sein des administrations nécessite un investissement conséquent dans le capital humain. Des initiatives comme l’Institut de la Commande Publique Durable, récemment créé, contribuent à professionnaliser cette fonction stratégique.
Au-delà des aspects techniques et juridiques, c’est donc bien une nouvelle philosophie de l’achat public qui émerge, plaçant les considérations environnementales au cœur de la décision publique. Cette évolution reflète une prise de conscience plus large des responsabilités des acteurs publics face aux défis écologiques contemporains.
La transformation de la commande publique s’inscrit ainsi dans un mouvement plus vaste de réorientation de l’action publique vers la durabilité environnementale. Loin d’être achevée, cette mutation systémique se poursuit et s’approfondit, redessinant progressivement les contours de la relation entre puissance publique, opérateurs économiques et citoyens autour d’objectifs environnementaux partagés.