Face à la recrudescence des incidents dans les transports publics, le droit à la sécurité des usagers est plus que jamais au cœur des débats. Entre promesses politiques et réalités du terrain, où en sommes-nous vraiment ?
L’état des lieux alarmant de la sécurité dans les transports
Les chiffres parlent d’eux-mêmes : en 2022, on dénombrait plus de 100 000 atteintes aux personnes dans les transports en commun en France. Une hausse de 15% par rapport à l’année précédente qui témoigne d’une dégradation préoccupante de la situation. Les agressions verbales et physiques, les vols, ou encore le harcèlement sont devenus le quotidien de nombreux usagers.
Cette insécurité grandissante touche particulièrement les femmes et les personnes vulnérables. Selon une étude de l’INSEE, 87% des femmes déclarent avoir déjà été victimes de harcèlement dans les transports. Une réalité qui pousse certaines à modifier leurs habitudes de déplacement, voire à renoncer à emprunter certains trajets.
Face à ce constat, les opérateurs de transport et les pouvoirs publics se trouvent dans une situation délicate. Comment garantir la sécurité des usagers sans pour autant transformer les gares et les rames en forteresses ?
Le cadre juridique : entre avancées et limites
Le droit à la sécurité dans les transports est inscrit dans plusieurs textes législatifs. La loi d’orientation des mobilités de 2019 a notamment renforcé les obligations des opérateurs en matière de sûreté. Elle prévoit, entre autres, la mise en place de dispositifs de vidéoprotection et la formation du personnel à la gestion des situations de conflit.
Toutefois, l’application de ces mesures se heurte souvent à des contraintes budgétaires et logistiques. De plus, certains juristes pointent du doigt les limites du cadre légal actuel, jugé trop peu dissuasif envers les contrevenants.
La question de la responsabilité juridique des transporteurs fait débat. Jusqu’où va leur obligation de sécurité ? La jurisprudence tend à considérer qu’il s’agit d’une obligation de moyens et non de résultat. Néanmoins, des condamnations pour « défaut de sécurité » ont déjà été prononcées, comme dans l’affaire du RER D en 2018.
Les solutions mises en œuvre : entre technologie et présence humaine
Pour tenter de juguler l’insécurité, les opérateurs misent sur un arsenal de solutions. La vidéosurveillance est devenue omniprésente, avec plus de 80 000 caméras déployées dans le réseau francilien. Des systèmes d’intelligence artificielle sont même expérimentés pour détecter les comportements suspects.
La présence humaine reste néanmoins irremplaçable. Le recrutement de 3000 agents de sûreté supplémentaires a été annoncé par la RATP et la SNCF pour la période 2023-2027. Ces agents, formés à la médiation et habilités à verbaliser, constituent la première ligne de défense contre l’insécurité.
Des initiatives innovantes voient le jour, comme l’application « 3117 » qui permet aux voyageurs de signaler discrètement un problème. Ou encore les « marches exploratoires », qui associent les usagers à l’identification des zones d’insécurité.
Les enjeux futurs : vers une approche globale de la sécurité
L’avenir de la sécurité dans les transports passe par une approche holistique. Il ne s’agit plus seulement de multiplier les caméras ou les patrouilles, mais de repenser l’ensemble de l’écosystème des mobilités.
L’urbanisme a un rôle crucial à jouer. Des gares mieux éclairées, des cheminements plus lisibles, des espaces publics animés contribuent à créer un sentiment de sécurité. Le concept de « sûreté passive », qui consiste à intégrer la sécurité dès la conception des infrastructures, gagne du terrain.
La lutte contre les incivilités est un autre axe majeur. Des campagnes de sensibilisation sont menées pour promouvoir le respect mutuel entre usagers. Certains plaident pour un durcissement des sanctions, tandis que d’autres privilégient l’éducation et la prévention.
Enfin, l’enjeu de la cybersécurité ne doit pas être négligé. Avec la numérisation croissante des systèmes de transport, la protection contre les piratages et les attaques informatiques devient une priorité.
Le droit à la sécurité dans les transports est un défi complexe qui nécessite l’implication de tous les acteurs : opérateurs, pouvoirs publics, usagers. Si des progrès ont été réalisés, beaucoup reste à faire pour que chacun puisse voyager sereinement. La sécurité est la condition sine qua non d’une mobilité véritablement inclusive et durable.